DEFENSE ET SOUTIEN AUX ROMS DE PASSAGE A GENEVE
Il y a environ 1000 ans, les Roms vivaient en Inde. Les linguistes ont déterminé la première grande migration des Roms d’est en ouest de cette époque. Aucune trace écrite à ce jour n’explique exactement les raisons de ces mouvements, mais le plus souvent, sans preuve jusqu'ici, on retient les guerres, les pillages et les invasions musulmanes.
Les Balkans ont connu les Roms vers le XII-XIIIe siècle. Certains ont continué leur chemin pour s’installer en Allemagne ou en France et ont ainsi reçu les noms de Sinti ou Manouches. D'autres se sont installés au sud de la France ou dans la péninsule Ibérique et ont été appelés Kalé ou Gitans. Ils ont subi de multiples persécutions telles que l’esclavage en Roumanie ou la déportation, puis l’extermination pendant la Seconde guerre mondiale.
Environ 12 millions de Sinti, Gitans, Manouches, et autres Roms vivent actuellement en Europe et constituent plus de 5% de la population dans certains pays d’Europe centrale et orientale. Ils vivent en majorité dans une grande pauvreté sociale et économique et sont, pour la plupart, marginalisés et discriminés dans leurs pays, où ils sont craints et méprisés par la population locale. Aucune instance politique ne les a jamais reconnus au titre de citoyens légitimes de plein droit.
Leurs persécutions historiques sont traitées comme anecdotiques par les Etats responsables d'extermination, qui n'ont jamais songé à présenter leurs regrets aux survivants. Les leçons de l'histoire n’ont jamais été tirées pour ce peuple mais, au contraire, les injustices envers lui se reproduisent en toute impunité. Ces dernières années, des progrès ont été faits pour améliorer le développement économique et social des Roms en Europe de l’Est. Toutefois, ces efforts se heurtent souvent à des obstacles dressés par des préjugés tenaces.
Bien que vivant en Europe depuis le XIIe siècle, les Roms ne sont pas reconnus par la société comme un peuple européen à part entière et leur participation à la vie publique est extrêmement limitée. Dispersés en une multitude de groupes aux langues et aux styles de vie très variés, ils ont du mal à se faire entendre sur l’échiquier politique et ainsi défendre leurs droits et promouvoir leur identité culturelle, qu’ils souhaitent à tout prix conserver. Sur le plan politique, les Roms sont un peuple sans Etat ni territoire. Ils se sont proclamés transnationaux et réclament un passeport européen.
« Me sem rom » signifie, « je suis rom ». L’association MESEMROM a été crée en juin 2007 à Genève de la rencontre de journalistes, avocats et amis des Roms lors du tournage du reportage de la TSR « Temps Présent » sur les Roms, « Tziganes, la route de l’Eldorado Suisse ».
L’association a pour but de sensibiliser l’opinion publique et les autorités aux difficultés que la population rom rencontre à Genève, avant tout en humanisant ces personnes, en expliquant qui ils sont, la raison de leur venue et leurs conditions de vie en Roumanie.
Afin de présenter la culture rom et de lutter contre les préjugés dont cette population est victime, MESEMROM organise des manifestations culturelles et a été en 2009 présente au village alternatif du « Salon du livre et de la presse ».
MESEMROM accompagne et défend le droit des Roms de passage à Genève lorsque cela est nécessaire.
Elle souhaite aussi intervenir directement au lieu d’établissement des Roms, en Roumanie, pour aider à améliorer leurs conditions de vie extrêmement précaires. C’est pour cela qu’à la demande d’une délégation de Roms, elle a entrepris depuis le printemps 2008 un projet de bains et lavoirs publics dans la ville d’Aiud en Roumanie.
Lors de réunions du Comité de MESEMROM, auxquelles des Roms, principalement originaires d’Aiud, ont participé, a été évoquée la disparition des bains publics dans cette ville, qui a accru les mauvaises conditions d’hygiène dont ils souffrent, faute de moyens, tant concernant les soins corporels que vestimentaires.
Les Roms qui sont astreints à mendier à Genève sont principalement originaires de Roumanie. 70% d’entre eux viennent de la région d’Alba dans le centre ouest de ce pays. Depuis des années, des membres du comité de l’Association Mesemrom se rendent régulièrement sur place. Ils ont donc été témoins de leurs conditions de vie.
Autant il est stigmatisant de penser que les Roms sont tous des voleurs, autant il est faux de penser que leur quotidien ressemble à des films d’Emir Kusturica. Ce sont des personnes qui bénéficient d’une culture et d’une histoire extrêmement riche. La musique et l’artisanat ont notamment une place très importante dans leur quotidien. Cela étant, la dure réalité de la vie ne correspond pas à la vision romantique du cinéma ou de la littérature.
Les Roms de Roumanie, lorsqu’ils en ont la possibilité, construisent eux même leur maison, en torchis (terre et foin), avec des poteaux en bois qui font office d’angles et une assise en pierre sur 50 cm. Généralement leur logement s’arrête à une seule pièce de 4m sur 3m50 environ. Ladite pièce leur sert de salon, de salle de jeu, d’espace repas et de « cuisine » au feu de bois, la journée, et se transforme en chambre à coucher, le soir venu. N’ayant pour la plupart aucun acte de propriété sur le terrain, ils sont menacés d’expulsion à tout moment.
En règle générale, toute la famille vit et dort ensemble (enfants, parents, grands-parents, frère, etc.). Les Roms disposent d’une toilette par quartier, toilette qu’on pourrait plutôt qualifier de latrines, à savoir un cabanon en bois avec un trou. Ils n’ont ni eau courante, ni gaz. Les Roms se lavent et font la lessive en prenant, à l’aide d’une cuvette en plastique, de l’eau de la rivière, qui traverse le village. Durant l’hiver, les conditions climatiques rendent malaisée l’utilisation de la rivière et le séchage des habits, car la température descend très souvent en dessous de zéro. D’autre part, la rivière sert d’abreuvoir aux vaches, cochons et chiens errants.
A Aiud, l ’eau de la rivière est insalubre, ce qui provoque diverses maladies (infections dermiques, gastro-entérites, etc.). Le manque d’accessibilité à l’hygiène est également responsable du faible taux de scolarisation des enfants roms et des difficultés d’accès à l’emploi. En conséquence, le taux de chômage élevé au sein de cette population les contraint à s’exiler.
Depuis que la Roumanie est entrée dans l’Europe, des fonds du Fond Social Européen ont été débloqués pour des programmes d’intégration et de scolarisation des Roms. Malgré ces programmes, leur situation ne progresse qu’à tout petits pas car dans leur pays, la discrimination et la stigmatisation sont encore bien présentes. Les Roms ont de la peine à obtenir le droit aux allocations familiales et aux aides sociales. Et lorsque, péniblement, ils y accèdent, ces dernières ne suffisent pas à nourrir leur famille, encore moins à acheter du bois pour se chauffer l’hiver, payer les médicaments ou encore réparer le toit qui menace de s’effondrer.
La scolarisation est concrètement difficile pour deux raisons principales. Premièrement, les enfants roms sont souvent mis à l’écart par le professeur qui ne leur prête que peu d’attention et subissent les moqueries des autres enfants. Par conséquent, beaucoup de ces enfants ne veulent plus y retourner. Deuxièmement, les parents peinent à envoyer leurs enfants à l’école car ils ne peuvent assurer la propreté de leurs enfants et un repas de midi correct
Dans de rares cas, les parents ne peuvent faire garder leurs enfants au pays, de sorte qu’ils n’ont pas d’autre solution que de les amener avec eux à Genève. Les parents sont pourtant conscients que la place d’un enfant n’est pas dans la rue.
Aiud est un village situé dans la région d’Alba, dans le centre ouest de la Roumanie. La communauté rom d’Aiud représente 10% de la population locale, ce qui correspond à la moyenne nationale. En effet les Roms sont estimés dans ce pays à 2 millions. Les Roms d’Aiud vivent, comme expliqué ci-dessus, dans des conditions de précarité extrême sans eau, ni électricité.
Le projet de re-construction de Bains publics dans la ville d’Aiud répond non seulement à des questions d’hygiène publique de base, mais aussi à une problématique d’intégration et de création de lien entre les différentes communautés roms. Il a toujours été de tradition, dans les villages de Roumanie, que diverses populations fréquentent les bains publics et lavoirs du village. En plus de leur utilisation pour des besoins d’hygiène corporelle et vestimentaire, les bains publics-lavoirs étaient des lieux importants dans le cadre de la socialisation des habitants d’un village. En effet, il a été constaté que les bains publics étaient souvent le centre de la vie communautaire, ce qui permettait aux personnes vivant dans une situation précaire de trouver des ressources en se mettant en lien avec d’autres personnes. Aujourd’hui, dans le village d’Aiud, il n’y a plus de bains publics ; les ménages qui en ont les moyens se sont achetés des machines à laver, tandis que les familles pauvres se retrouvent à vivre dans des conditions encore plus précaires qu’auparavant.
Nous avons questionné les habitants des deux principaux quartiers roms, situés aux deux extrémités de la ville d’Aiud, afin de nous assurer de l’opportunité de ce projet sanitaire et bénéficier de leurs observations afin de placer ces bains à l’endroit géographique le plus adéquat. En accord avec les Roms et l’ensemble de nos partenaires, nous avons conclu que le centre ville était un emplacement stratégique judicieux. D’une part, pour son accessibilité, proche de l’école et du marché où les Roms se rendent régulièrement pour faire leurs courses. D’autre part, nous bénéficierons des fondations déjà existantes d’une ancienne centrale thermique. De plus, nous tenons à ce que ces bains ne soient pas isolés dans un quartier rom, mais qu’ils puissent être accessibles à tous les habitants précarisés d’Aiud. Les bains seraient donc un lieu public où pourrait se rencontrer les diverses populations d’Aiud.
Au vu des besoins constatés sur place, MESEMROM se propose de réunir les fonds nécessaires pour la construction de 7 douches femmes et enfants, 3 douches hommes, 2 WC, un lieu d’accueil et d’attente, ainsi que la mise à disposition de sèche-cheveux, 5 machines à laver, ainsi que 5 sèche-linges.
La construction des bains et lavoirs commencera dès le printempss 2010 et ils seront accessibles aux usagers dès le début de l’automne 2010, à présent que nous avons réuni les fonds nécessaires.
L’expérience de Cugir, ville de la région située à 80 km au sud d’Aiud, où récemment des bains publics ont été construits, confirme que la création de bains lavoirs est un bon outil d’intégration pour les Roms. Toutes les populations s’y rencontrent : les minorités roms et hongroises et les Roumains. Les femmes attendent leur linge dans la salle d’attente, de sorte que les différentes populations se rencontrent et discutent ensemble. Le fait de pouvoir permettre à différentes cultures de se connaître dans un espace tel que les bains lavoirs est une avancée pour faire tomber les barrières entre les cultures et amorcer une ouverture d’esprit et un changement dans les mentalités.
Durant l’été 2008, avant de partir en Roumanie nous avons rencontré Mme Féry-Von Arx, représentante de la Fondation Princesse Margarita. Elle s’est montrée très intéressée par notre projet sanitaire en Roumanie. Elle est devenue membre de l’association et suit actuellement de près l’avancée du projet. C’est Mme Féry-Von Arx qui a porté à notre connaissance qu’un projet similaire existait déjà dans une ville de la région, Cugir, située à 80 km au sud d’Aiud.
Sur les conseils de Mme Féry-von Arx, nous avons rencontré la coordinatrice des bains de Cugir et du service social, Mme Muntean. Celle-ci nous a fait bénéficier de son expérience et nous a permis une visite du lieu. Nous avons obtenu divers documents détaillés et nous avons pu rencontrer Mme Serban, politicienne originaire d’Aiud, qui est devenue une interlocutrice clé dans ce projet. Elle a organisé un entretien avec la Mairie d’Aiud. Son appui et sa légitimité ont donné du crédit à notre association et au projet. Il y a lieu également de souligner que le Vice-Maire, ancien directeur d’une usine de métallurgie, où il a eu l’occasion de côtoyer des Roms qui y travaillaient, est sensibilisé à la situation des Roms.
Mme Serban occupe actuellement un poste de responsable à la Préfecture d’Alba Iulia, chef lieu de la région d’Alba où se situent les villes de Cugir et d’Aiud. Cette dernière est un membre actif de l’ANR (Agence Nationale pour les Roms). A travers son poste de responsable à la préfecture et grâce à ses activités au sein de l’ANR, elle a participé au développement des bains de Cugir. C’est une personne de confiance, qui s’est portée garante de nous tenir informés régulièrement de l’avancement du projet.
Suite au rapport que nous avons présenté à la mairie d’Aiud sur notre visite à Cugir, une délégation de la Mairie et Mme Serban se sont également déplacés à Cugir afin de visiter les bains. La Mairie a alors donné son accord de s’engager dans la création des bains en proposant d’en assurer la pérennité financière. Le prix d’utilisation des machines sera de l’ordre de 2,5 Lei (environ CHF 1), soit un prix très accessible qui comprend la gratuité des douches, ainsi qu’une lessive offerte, ceci afin de motiver un déplacement aux bains en groupe. Ce petit apport suffira pour l’achat des savons et produits de lessive, mis à disposition sur place.
A l’instar des bains de Cugir, une entreprise extérieure sera mandatée pour les nettoyages réguliers des bains.
La Mairie d’Aiud est satisfaite de ce futur partenariat et du fait que chacune des parties participe au financement du projet. Nous attendons les résultats de l’étude de faisabilité actuellement en cours. Ainsi nous disposerons bientôt d’un budget détaillé que nous pourrons vous soumettre. De plus, la Mairie d’Aiud s’est engagée à mettre gratuitement à disposition le terrain pour construire les bains publics. Une fois ceux-ci érigés, la commune assumera, en outre, la rémunération des employés permettant de pérenniser les bains. Elle s’engage aussi à entretenir les installations et à fournir les produits indispensables à leur bon fonctionnement.
Une de nos conditions lors de l’officialisation du projet, a été que des Roms soient engagés aux côtés de Roumains tant pour le travail de construction que pour la gérance du lieu. Les Roms engagés auront donc non seulement un revenu, mais seront également valorisés auprès des différentes communautés. Nous précisons que durant l’élaboration du projet des bains et lavoirs publics, il est prévu qu’un membre du comité, ancien travailleur en bâtiment, se rende très régulièrement sur place afin de s’assurer de l’avancement des travaux.
L’association n’a pas de budget de fonctionnement. Ses membres sont bénévoles et aucune de nos prestations ne sont tarifée. Les voyages en Roumanie ont toujours été à la charge des bénévoles, qui investissent temps et argent dans ce projet.
L’argent des cotisations des membres sert essentiellement à financer des manifestations culturelles, telles que le salon du livre et de la presse ou la soirée à l’occasion de la journée internationale des Roms.
En 2005, les bains de Cugir ont pu être construits grâce à un financement à hauteur de 90% du Fond Social Européen. La municipalité a participé aux 10% restant et s’est également engagée à entretenir les locaux, ainsi qu’à garantir le salaire des travailleurs permanents. En mettant gratuitement un terrain à disposition, elle a permis la rénovation d’un immeuble déjà existant pour y réaliser le projet.
Nous avons réuni les fonds nécessaires grâce à divers intervenants que nous citons ici tout en les remerciant:
-l’entreprise médicale Unilabs
-le canton de Genève
-la ville de Genève
-la fondation de défense des droits de l'homme
-la commune d'Onex
-la commune de Confignon
-la commune de Meyrin
Févier 2011: La construction des bains est terminée, voici quelques images:
Le récit en image ici
Le récit en image ici
Nous restons à votre entière disposition pour tout complément d’information et vous remercions pour l’intérêt que vous portez à ce projet.
Photo des anciens bains publics d’Aiud
Sofie Lauer, Membre du comité de Mesemrom
Thibaut Lorin, Vice-président de Mesemrom
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